Appropriation culturelle et savoirs anciens : enjeux éthiques pour le breathwork, le chamanisme, la transe et le yoga…

Dans nos sociétés modernes, de plus en plus de personnes se tournent vers des pratiques issues de traditions ancestrales : chamanisme, transe, yoga, rituels de respiration. Ces savoirs, porteurs de sagesse et d’outils de transformation, nourrissent le champ thérapeutique, spirituel et personnel. Pourtant, derrière leur diffusion grandissante se pose une question sensible et essentielle : celle de l’appropriation culturelle et de la propriété intellectuelle des savoirs anciens.

Comprendre l’appropriation culturelle

L’appropriation culturelle se produit lorsque des éléments d’une culture minoritaire ou historiquement dominée sont adoptés par des personnes extérieures, souvent sans autorisation, sans attribution ni bénéfices pour la culture d’origine. Dans le cas des pratiques spirituelles et thérapeutiques, cela peut prendre la forme de rituels utilisés hors contexte, de stages payants inspirés de cérémonies sacrées, ou encore de techniques rebrandées comme des “inventions modernes”.

Pourquoi protéger les savoirs traditionnels ?

  • Respect du sens et du contexte : un chant chamanique ou une posture yogique ne sont pas de simples outils techniques. Ils s’inscrivent dans une vision du monde, une cosmologie, une histoire collective.
  • Éviter l’exploitation : commercialiser des pratiques sans reconnaître ni soutenir les communautés qui les ont transmises revient à une forme de dépossession culturelle.
  • Préserver la sécurité et l’efficacité : dénaturées, certaines pratiques peuvent perdre leur sens thérapeutique ou même devenir risquées psychologiquement.
  • Justice culturelle : reconnaître l’origine et garantir des bénéfices partagés, c’est contribuer à réparer des siècles de marginalisation.

Les arguments en faveur du partage

À l’inverse, il serait réducteur de considérer tout usage comme une appropriation illégitime.

  • Les cultures évoluent par échanges : l’histoire humaine est faite de rencontres, d’hybridations et d’apprentissages mutuels.
  • L’accès au bien-être : certaines pratiques, comme la respiration consciente, peuvent être adaptées et bénéficier à un large public.
  • Le désir de transmission : de nombreuses communautés choisissent volontairement de partager leurs traditions, et en tirent reconnaissance et ressources.

Trouver un équilibre : vers une éthique de la co-création

La question n’est pas de savoir s’il faut partager ou non, mais comment partager de façon juste et responsable. Quelques pistes :

  • Citer et honorer l’origine des pratiques.
  • Collaborer avec les détenteurs de ces savoirs, et non parler à leur place.
  • Mettre en place des formes de redistribution : financières (partage des revenus) ou symboliques (visibilité, soutien communautaire).
  • Former les praticiens aux enjeux éthiques et anthropologiques, afin d’éviter les simplifications ou les détournements.
  • Créer des chartes professionnelles et labels qui valorisent le respect des origines.

Conclusion : pratiquer avec intégrité

Les états modifiés de conscience, qu’ils soient induits par la respiration, la transe ou les rituels, appartiennent à l’humanité toute entière. Mais les pratiques culturelles qui nous les transmettent sont liées à des histoires, à des communautés, à des mémoires parfois blessées.

Respecter ces racines, c’est enrichir nos pratiques et leur donner une profondeur authentique. C’est aussi construire un futur où le soin, la spiritualité et la transmission se font dans l’intégrité, le dialogue et la réciprocité.

L’appropriation culturelle n’est pas une fatalité ; c’est un défi éthique qui nous invite à transformer nos pratiques en actes de respect et de reconnaissance.